Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 24 février 2009

L'ennemie du vice



Pendant qu'une bande de zozos s'échine à taper à coups redoublés sur la tête du vignoble français, les bonnes idées fusent de partout. Celles du jour viennent de chez Ayala, maison de Champagne de bonne notoriété et propriété depuis peu de Bollinger, ce qui ajoute de la réputation à la notoriété. Et de la maison Dom Pérignon, qu'on ne présente plus. Ce sont des idées assez voisines, mais pas les mêmes. Dans un coffret, qualifié "d'élégant", Ayala a mis deux bouteilles. L'un, le Brut Majeur, est dosé à 8 grammes de sucre par litre et l'autre, le Zéro dosage, est le même vin, issu du même lot (ou stock), dégorgé à la même date mais sans apport de sucre (ou liqueur de dosage). Ce qui permet d'étalonner son propre goût pour les champagnes sans sucre ajouté en soumettant ces deux vins à une dégustation horizontale (vous n'êtes pas obligé de boire couché ; horizontale veut dire deux vins de la même date, par opposition à verticale qui désigne une dégustation de deux ou plusieurs vins de millésimes différents). C'est une bonne idée parce qu'elle est pédagogique et que, ce faisant, elle propulse l'amateur vers la connaissance qui, comme chacun sait, est l'ennemie du vice. Ces deux vins presque identiques sont issus en majorité de la récolte 2005 avec une part de 2004 et de vins de réserve (millésimes antérieurs). Ne les ayant pas goûté encore, recopions le dossier de presse : "Le Brut Majeur Ayala s’apprécie à chaque moment de la journée. Avant mais également tout au long d’un repas. Il accompagne ainsi parfaitement les langoustes, homards, poissons crus ou grillés. Les sushi et la cuisine asiatique lui conviennent également. Les viandes blanches ne sont pas en reste ainsi que certains fromages à pâte molle et croûte fleurie, boursault, coulommiers, chaource, brie, brillat-savarin. Quant aux desserts, il met en valeur les desserts à base de fruits, pommes, poires, pêches… Le Zéro dosage se marie parfaitement avec les crustacés, fruits de mer, coquilles st-jacques, poissons crus et sushis. Le caviar est également recommandé." Ben tiens. Ce qu'il ressort de cette belle prose est que l'un (le Zéro dosage) est plus vif, plus tranchant et l'autre, plutôt plus rond pour ne surtout pas dire plus doux. Le coffret avec les deux bouteilles coûte 70 euros et on le trouvera sûrement chez Lavinia. Faites le test, il ne peut être que passionnant et, au moins, vous saurez ce que vous aimez et de quoi vous parlez. Déjà, c'est énorme. Chez Dom Pérignon, la démonstration est naturellement beaucoup plus raffinée et onze fois plus chère. Richard Geoffroy, le chef de caves inspiré de la maison, présente ensemble le Dom P 1995 dit de "première sortie" et le Dom P Œnothèque du même millésime. Pourquoi ? Le premier a été dégorgé en 2002 après 7 ans de cave, le second a été dégorgé en 2006 après 11 ans de cave et deux années de plus avant sa mise sur le marché. La différence entre les deux est donc la conservation en cave mais pas seulement. Le second, l'Œnothèque 1995, est moins dosé que le premier. Moins de sucre dans la liqueur de dégorgement. Une différence de quatre grammes par litre et on la sent très bien. Si le premier développe des arômes dits secondaires, assez miellés, le second est plus vibrant, plus jeune si l'on peut dire. Bon, c'est vrai que ce sont des plaisirs de grand amateur du champagne - et des plaisirs coûteux, mais c'est une dimension du champagne vraiment intéressante. Le coffret "Side by side" de Dom Pérignon 1995 est en vente chez les grands cavistes à 790 euros. Pas plus cher qu'un petit sac d'entrée de gamme chez Prada, au fond. Ainsi va le luxe, on n'est pas obligé de tomber dans tous les panneaux à la fois.

lundi 23 février 2009

Les gros malins

En plein débat à l’Assemblée nationale sur la loi Bachelot dite loi HPST, voilà que l’Institut national du cancer nous annonce que le vin favorise le cancer. Comme ça tombe bien, quel heureux hasard du calendrier. Ah ! Les gros malins. Dans la foulée, toute la presse relaie la (dés)information comme un seul homme. Pourtant, il y a des raisons de douter, mais pas un journaliste n’a émis la moindre hypothèse contraire. Je ne vous fais pas mon compliment, les gars. En plus, je ne comprend pas. Ces journalistes ne boivent que de l’eau ? Ils détestent le vin, la viticulture, les bonnes bouffes entre potes, la France, ses traditions, sa culture ? Il est où le problème ? Qu’ont-ils à gagner à reprendre de tels nanards ? Est-ce la force de l’habitude, comme disait le juge de Montgolfier à Tapie Bernard à propos de ses errements dans l’affaire OM-VA ? Et d’ailleurs que disent les autorités sanitaires françaises et européennes à ce sujet ? Ça, au moins, c’est facile à vérifier. Elles disent la modération, pas l’abstinence. La modération, il y a longtemps que nous en savons la valeur, vous et moi. Il y a plusieurs siècles que nous ne nous sommes pas saoulés, exercice impossible réservé à des gens que nous ne fréquentons bien sûr plus, les (trop) jeunes. Les organisations internationales les plus sérieuses comme le WRCF, fond mondial de recherche contre le cancer, se garde bien de tout amalgame. Prudent, cet organisme n’exclut rien mais reconnaît que le risque lié au vin est bien moindre que celui attaché aux autres alcools.
Pour contrer ce genre d’effet d’annonce, on peut aussi se contenter de réfléchir. Si le vin est cause de cancer, pourquoi la consommation de vin a-t-elle baissée de moitié quand le nombre de cancers a plus que doublé, le tout sur le demi-siècle écoulé ? Et puisque les lobbies hygiénistes avancent sous prétexte de défendre leur petit commerce, la jeunesse en péril, pourquoi attaquent-ils avec autant de virulence le vin français, lors même que toutes les études de consommation montrent que le vin n’entre que pour 5% dans la consommation d’alcool des 15 - 24 ans et 12 % dans la tranche 25 - 34 ans ? Ces lobbies, quelles sont leurs véritables motivations ? Pour qui travaillent-ils ? A qui profite le crime ? Même la Cour des comptes et son président, Philippe Séguin, se posent la question. Amis journalistes, please, faites-en autant. Au moins…

mardi 17 février 2009

Le poème de François V.


C’est une histoire de la vallée du Rhône, le nord de la vallée. François Villard fait partie des grands vignerons de ce quartier. Il y en a d’autres, tous attentifs à faire le mieux. Pour aller vite, disons Chave, Colombo, Guigal, Chapoutier, Belle (voir ci-dessous), Combier, Jaboulet, Courbis, etc., ce n’est pas un classement, ils sont nombreux, j’en oublie bêtement. Lui, le Villard, il s’est entendu avec deux autres gros calibres (Cuilleron et Gaillard) pour créer les Vins de Vienne, cette idée de faire revivre des coteaux abandonnés à Seyssuel (oui, riez). Je ne l’ai jamais encore rencontré et je ne sais pas tout de cette histoire de Vins de Vienne mais, quand même, on voit bien les motivations. Bien sûr, chacun des trois continue d’exploiter son propre domaine et à produire sous son propre nom.
François Villard est un poète et, comme il ne connaît pas d’éditeur de poèmes, il a mis l’un des siens sur l’étiquette de son saint-joseph « Reflet » 2003 fabuleux, concentré, mûr, gras, une merveille bue trop tôt comme d'hab. D’accord, François Villard, c’est pas François Villon, il dit les choses à la louche et en grosses lettres sur l’étiquette de son vin, chacun son media. Vous voyez, la lutte continue et, ouf, elle est partout. Elle ne s’arrête jamais, en fait. Il faut toujours se bagarrer pour défendre des évidences. Et s’agissant du vin, on a l’impression de se battre contre un occupant qui voudrait nier les réalités culturelles de la France, ses goûts, ses racines, son histoire, tout ce qui est à nous et qu’on aime. C’est éprouvant. Villard et plein de producteurs, presque tous les journalistes emmenés par Bettane, Desseauve et Burtschy et l’Association de la presse du vin, vous, moi, tous, nous sommes comparables à ces résistants d’une époque qu’on croyait révolue. Nous, les bons vivants, les joyeux, gens de goûts et de plaisirs, nous voilà contraints de remonter au créneau de la militance. Ça aussi, on l’avait oublié. On n’en avait plus envie. Nous voulions rester peinards avec nos grandes bouteilles, nos verres à pied et nos potes, nos belles amies, nos truffes du Tricastin, sans embêter personne, même pas nos voisins.
Non. Pas possible. Voilà l’imbécilité et ses alibis tout faits qui viennent nous casser la planète. Un coup, c’est le logo « femme enceinte » qui salope les belles étiquettes et, la fois d’après, voilà qu’ils veulent interdire les dégustations publiques. Demain, si nous n’y prenons garde, il va falloir écrire « boire tue » sur la bouteille. Ces gens, ce sont les dirigeants des associations anti-alcooliques, ce que nous appelons les lobbies hygiénistes. Des ayatollahs avec des moyens considérables (200 millions d’euros par an !) ponctionnés sur les fonds du Ministère de la Santé et au nom de la santé publique, justement. Avec tout cet argent, ils payent des avocats pour faire des procès à tel quotidien coupable d’avoir publié un article sur le champagne, ils imposent des réglementations grotesques qui font mourir de rire les viticulteurs étrangers ravis de l’aubaine, ils mènent des « études » douteuses et tordues et ils tirent des conclusions qu’ils nous imposent à tous alors que nous n’avons rien demandé. C’est tout ? Oui, c’est tout. Vous trouvez que 200 millions pour ça, c’est cher. Oui, moi aussi. Vous avez envie de crier « rendez l’argent », moi aussi. Avec la crise, 200 millions, ça pourrait soulager un tas de gens. Pas seulement les avocats des associations. Les gros malins font un vaste amalgame entre le tabac, la vodka, l’héroïne, le vin, tout pareil. La main sur le cœur, avec des photos de petits enfants en sautoir pour amadouer la ménagère de moins de cinquante ans et le prétexte de la lutte contre l’alcoolisme en étendard, ils profitent grassement d’un système totalement dépassé. Trop de trucs à faire, on délègue. Trois sommités médicales en rupture de clientèle ou à la retraite depuis longtemps, la loi de 1901 en bandoulière, deux ou trois bonnes intentions affichées et hop, vous prendrez bien quelques millions d’euros pour lutter contre la viticulture française et promouvoir la pharmacopée anxiolityque ? Ils prennent. Ces gens sont des fauteurs de trouble, ils luttent contre la paix sociale, même pas foutus d'être efficaces contre le binge-drinking des ados. 200 millions. Par an. Ce sont eux, les ennemis de l’intérieur. Au secours, l’anti-France est de retour !

PS : si certains de mes lecteurs s’émeuvent de l’emploi du phonème « anti-France », je les renvoie aux définitions qu’en donne Wikipedia via Google. Pour les plus âgés d’entre vous, relire Gotlib et son Superdupont.

mercredi 11 février 2009

Belle au Miroir

Le quartier, c’est les Abbesses. Boboland par excellence, je sais, j’y habite. S’il y reste encore quelques commerces de bouche, les marchands d’habits prennent une place folle, on se croirait dans un air de Souchon. L’avantage du voisinage, c’est que le bobo, il faut le nourrir et pas n’importe comment. D’où, depuis quelques saisons, floraison de néo-bistrots, tous plus épatants les uns que les autres. Le pionnier, c’est la Famille, rue des Trois-Frères. Il a été suivi par le Café Burq, rue du même nom. Depuis peu, le buzz local vous expédie au Restaurant Miroir, en haut de la rue des Martyrs. En salle, une jolie fille sympa déjà croisée chez Lavinia, une bonne maison. Mais ici, elle est chez elle. Son mari sort de la cave de la Tour d’Argent où il était second de l’icône de la sommelerie, l’excellent David Ridgway et ses 450 000 bouteilles pour 14 000 références (!). Le pauvre, il en a bougé des caisses de douze… Et le chef arrive des Lyonnais, un bistrot Ducasse près de l’Opéra-Comique.
Pour commencer, une très raffinée crème coquillages et crustacés (Brigiiiitte, reviens) puis une belle entrecôte cuite à la perfection et accompagnée de la plus belle des purées du monde. Le genre d’endroit où emmener votre mère histoire de la culpabiliser un bon coup, en mémoire des purées impossibles qu’elle vous a fait ingurgiter quand vous étiez enfant. On les mangeait, mais on mangeait aussi ses infâmes coquillettes, ses artichauts et toute la litanie des plats d’enfants, ceux qui sont bons pour la santé, une horreur. Revenons au Miroir. Evidemment, la carte des vins est parfaite, le choix difficile. Les prix, sans faire de cadeaux, se tiennent à leur coefficient multiplicateur raisonnable. Un champagne blanc de blancs de chez Gimonnet à 42 euros, les petits bourgognes rouge et blanc de chez Bouzereau à 23 euros, l’inévitable morgon nature de Marcel Lapierre à 33 euros et, surprise, un cheval-blanc 89 à 1 000 euros. « J’en ai déjà vendu un », se vante le sommelier. Comme quoi, il suffit d'oser… La carte des vins compte déjà une cinquantaine de références, toutes finement choisies, bravo.
Nous, nous avons préféré un crozes-hermitage, cuvée Louis Belle 2005 à 35 euros. La Maison Belle, à Larnage, au nord de Tain, est injustement méconnue. Dirigée par Philippe Belle, elle produit sept cuvées différentes en crozes, saint-joseph et hermitage, en rouge et en blanc. Celui que nous avons dégusté au Miroir était parfaitement à sa place, dans le millésime, un peu en retrait, il lui faudra trois à cinq ans pour tout donner, mais allez expliquer ça à un restaurateur qui n’a pas les moyens de financer un stock. En attendant que les vins vieillissent, n’hésitez pas à venir au Miroir, l’assiette et le verre méritent votre clientèle exigeante. Et on s'y verra.

lundi 9 février 2009

Méo & Alleno


Pour déjeuner au Dali, il faut de l'abnégation et pardonner la touche d’ail dans le hamburger, nette faute de goût quand on nourrit des gens qui dégustent des vins fins (vrai sabotage, en fait). Passer sur les ravioles aux langoustines, caoutchouteuses. Et oublier que les canapés trop profonds et les tables trop basses n’arrangent rien. En plus, la personne assise en face de vous sur un fauteuil culmine trente centimètres plus haut, c’est bizarre, on ne voit pas bien l'intention. Les décorateurs ne sont pas souvent les amis des bons vivants. Nous étions chez Alleno pour goûter quatre des vins de Méo-Camuzet, belle marque de Bourgogne, en compagnie de Jean-Nicolas Méo, jeune type affable et plutôt sympathique. Il a appris son métier (de vigneron) avec Henri Jayer alors métayer du domaine Méo-Camuzet, il y a pire comme prof. Etrangement, Jean-Nicolas n’en parle pas volontiers, comme s’il fallait gommer ce passé prestigieux pour se concentrer sur ses réalisations à lui. Le fils tuerait le père, comme souvent. Et, au fond, c’est assez normal, tuons les pères.
Histoire d'engager la conversation sur une note badine, un de mes confrères tout empêtré dans la crise lui dit : "alors, vous passez plein de coups de fil pour vendre du vin en ce moment ?" La réponse, détendue : "pas encore, mais j'ai prévu de le faire dans les deux mois qui viennent. Un ou deux pour être tranquille." C'est clair, il n'a rien à vendre, ou très peu. Son vin, il n'y en a pas beaucoup et tout le monde en veut. D'ailleurs, chacun de nous était prêt à lui en prendre deux caisses.
Nous avons goûté quelques 2007, parmi lesquels les remarquables grand cru clos-de-vougeot et premier cru vosne-romanée Aux Brûlées. Si le premier est soyeux et le second, puissant, ils affichent tous les deux une complexité qui donne la réplique à une bouche pleine, vive. Nous sommes là devant deux très grands vins, de ceux qu’on oublie pour des siècles (quinze ans) à fond de cave et qu’on retrouve le cœur palpitant d’émotion. De ceux qu’on réserve au premier cercle de ses amis les meilleurs. Les vins qui ont accompagné le déjeuner après cette dégustation, les mêmes en 2001 pour le clos-de-vougeot et 1996 pour le vosne-brûlées, ont confirmé cette aptitude magnifique à se révéler avec le temps. Même là, ils étaient encore trop jeunes, dotés d’une belle acidité et d’une fraîcheur inattendue. Mais quel plaisir, déjà. Ces vins de longue garde sont issus d’une toute petite production, quelques milliers de bouteilles, et les prix dépassent largement les 100 euros le col. C'est un prix élevé mais il faut savoir ce qu'on veut.

Pour info : le domaine Méo-Camuzet, comme la plupart de ses pairs, commercialise des vins issus des vignes du domaine et d'autres élaborés avec des raisins achetés ou des vignes louées, ce qu'on appelle le négoce. Ainsi, les vins marqués Domaine Méo-Camuzet sont ceux de la propriété et ceux marqués Méo-Camuzet Frére & Sœurs sont des vins de négoce. Ne pas en conclure qu'il s'agit de vins "moins", mais le distingo est important quand même.

La photo : Jean-Nicolas Méo dans son cuvier à Vosne-Romanée,
photographié par Mathieu Garçon