Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 24 février 2010

Bienfaisance ?


Découvert le saint-émilion château-de-la-bienfaisance. Le château tire son nom de celui de la rue où était installé le siège social de la banque alors propriétaire de deux domaines réunis en un seul. Rue de la Bienfaisance à Paris VIIIe, Château de la Bienfaisance à Saint-Emilion en Gironde. C’est aussi simple que ça, et aussi trivial. Et, avec ce pragmatisme d’une absolue simplicité qui est souvent l’apanage des banquiers, le logo de l’étiquette n’est rien d’autre que la sculpture du bouton de la porte d’entrée de la banque. Bien sûr, c’est assez comique, mais la déception est intense. On aurait voulu un couvent, des moines gourmands, une œuvre charitable, de lourds secrets, des caves millénaires, la règle et le siècle, du vent dans les cheveux, de l’altitude, de la hauteur au moins. On voulait de l’Histoire, de la civilisation, la marque des générations, le temps qui passe. On a le huitième arrondissement. Pfff…
Le vin ? Ah oui. Un aimable saint-émilion dans son millésime 2006, avec une forte prédominance de merlot qui arrondit la bouche, très rive droite. Nous avons préféré le grand vin du domaine qui s’appelle sanctus, beaucoup plus volumineux et dense dans le même millésime.

jeudi 18 février 2010

Jaune devant …

Malgré toutes ses occupations (chasse, dîners entre humanistes, shopping, etc.), Bruno Borie trouve le temps de défendre ses intérêts légitimes. Voilà qu’il attaque en justice le cher Michel Tesseron au motif que la couleur jaune de la nouvelle étiquette de Lafon-Rochet (nouvelle depuis 2000, dix ans…) ressemble trop à celle de Ducru-Beaucaillou. Les avocats concernés approuvent. Et Fonréaud alors ? Vous avez vu leur nouvelle étiquette ? Toute jaune. Que fait Bruno Borie ? Hubert de Boüard et son Angelus ou les gérants du château de Ferrande, très jaunes eux aussi, serrent les fesses. Tout comme certains journalistes asiatiques qui, prudents, auraient annulé leur voyage à Bordeaux pour les primeurs. Dis, Bruno, tu n’oublies pas la Veuve Clicquot, hein ? Et Heidsieck-Monopole. Et Joseph-Perrier. En grattant un peu, il y a sûrement quelques Italiens aussi. Et Smith-Haut-Lafitte, Bruno. Et Phélan-Ségur et Gloria, Malartic, Monbousquet, Brillette. Putain, Bruno, ya du jaune partout. Ah ! Les salauds. Vas-y, Bruno, montre leur qui tu es.
Plus sérieusement, c’est le genre d’info qui nous fatigue énormément. Il y a tellement de boulot à faire à Bordeaux que je ne comprends pas qu’on passe son temps à des choses aussi futiles. C’est vrai que le reste du temps, la plupart des Bordelais aiguisent leurs calculettes en prévision des primeurs 2009. Réchauffement des prix à prévoir.

lundi 1 février 2010

De Hongrie


Retour de Budapest. Sublime ville sous un mètre de neige, les taxis en glissade, le Danube et ses bouts de banquise qui défilent pleine balle. Une grande ville moderne et monumentale, comme Paris ou Londres ou Milan, les beaux hôtels cinq étoiles, les restaurants branchés, les belles autos avec les filles des magazines dedans. Pas très dépaysant ? Si, quand même. Ma première fois à l’Est, c’est pour ça, sûrement. Mais pas que. La langue est parfaitement illisible, aucun repère de latin, de grec, d’allemand, d’anglais, de rien. C’est une langue qui est de la même famille que le finnois et le basque, c’est dire si on n’y comprend rien. Le moindre panneau ne fait pas le plus petit commencement de sens, interprète recommandé. La ville bouge beaucoup, on restaure partout les divins bâtiments. Même dans la langueur ouatée d’une grosse ville sous la neige, on distingue une sorte de frénésie. La Hongrie, terre d’histoire, a du communisme à oublier, des occupations diverses, dont nazie, à gommer, de l’identité à retrouver. Et, visiblement, elle s’y colle. Elle a un fond pour ça. Le tokaj, deux heures de route à travers la plaine hongroise sous un ciel bas, blanc, on va voir des loups, on y croit, nous n'y verrons que des corbeaux, ils volent à l'envers. Arriver dans un gros village glacial, pas un bar, un commerce, un restaurant. Sur les toits des maisons, la fumée des cheminées nous confirment que le village est habité. Là, un nouveau domaine, constitué depuis 2004 par un jeune avocat, Pascal Demko. Il s’appelle Moon Valley, en hongrois Holdvolgy, c’est le nom de la plus importante parcelle de ce domaine de 25 hectares et c’est le nom qui est écrit en gros sur les étiquettes. Une ambition déclarée, produire le meilleur tokaj. Le premier millésime sort en 2011, c’est dire l’exigence, sept vendanges-vinifications avant de mettre quelque chose sur le marché. Nous avons goûté toute leur production. C’est magnifique, la vinification moderne ne fait pas la part belle au sucre, c’est intelligent, fin, propre comme les grands sauternes depuis 2005. Le 6-puttonyos de 2006 est une merveille de complexité. Cette impression de s’enrouler dans une couette en cachemire. D’ailleurs Stéphanie, maître de chai, une Française, a fait ses classes à la faculté d’œnologie de Bordeaux sous la houlette de Denis Dubourdieu, gage d’une formation de première classe. Les blancs secs ne sont pas encore arrivés là où elle souhaite les emmener, mais elle y travaille, à la recherche d’un style net, cristallin. Nous, nous l’avons trouvé pas mal du tout son blanc sec. Plein de producteurs, nous en connaissons, s’en contenteraient avec beaucoup de satisfaction. Elle, elle veut faire mieux. Une fois de plus, là, au fond de la campagne hongroise assommée de neige et de froid, nous avons croisé des gens qui se passionnent, qui travaillent dur pour produire des vins de toute première qualité. Avec toutes les difficultés qu’on imagine et, particulièrement, l’absence de contact. Ici, à Mad (c’est le nom du bourg et ça ne s’invente pas), personne ne vient donner son avis au domaine, pas un journaliste, dégustateur ou même simple amateur, comme cela se pratique dans toutes les régions viticoles de France ou d’Italie. Certains peuvent ricaner et dire que c’est toujours ça de gagné, moi je crois que c’est un gros manque pour cette équipe épatante qui ne peut compter que sur ses propres forces. Mais le bout du tunnel est proche, leurs vins vont bientôt se confronter à la réalité du marché. Il aura fallu sept ans de travail pour ça. Du jamais-vu.

La photo : La pente douce de la parcelle de Holdvolgy photographiée par Mathieu Garçon, le samedi 30 janvier 2010