Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 8 septembre 2010

Pierre Seillan, le Gascon à 100 points


Du Gascon, il a le format, aussi large que haut, la rocaille dans l’accent, le parler clair, sans détour, sans concession, sans complaisance et ce côté bourru dont on sait tous que ça cache un grand cœur. Qu’il a. Un côté c’est-moi-qui-vous-le-dit adorable et imparable. Du coup, on l’écoute attentivement. Il parle des heures si l’on n’y prend garde. De tout. De son histoire familiale, la polyculture dans le Gers, « on avait tous un arpent de vigne ou deux, c’était normal ». De ses débuts dans le Bordelais, de sa rencontre avec l’homme de sa vie, Jess Jackson, milliardaire, Américain, un patronyme de cinoche, beau comme un John Wayne, 5 000 hectares de vignes en Californie. Du vignoble de la Sonoma, la vallée voisine de la Napa. De Vérité, la marque créée là il y a dix ans autour de trois vins. La Joie, La Muse et Le Désir, fallait oser. Mais il ne parle pas des 100 points (le top) récoltés chez Robert Parker pour son millésime 2007 de La Joie. Non, il faut vraiment aller le chercher, il en parlera alors comme à regret. Pas l’habitude des honneurs, cet homme-là. Il ne sait pas, ou affecte de ne pas savoir, pourquoi ce vin est soudain au centre de l’attention mondiale. Lui, Pierre Seillan le Gersois, il a toujours fait du mieux qu’il pouvait. Mais là, il faut croire que « le terroir a parlé ». Plus fort, plus haut, plus clair qu’avant, sans doute. Et voilà un vin que les grands amateurs s’arrachent. Du coup, les cours explosent. 850 dollars la bouteille. Même les premiers de Bordeaux s’étranglent, pris de court par ces prix stratosphériques. Pierre Seillan n’en fait même pas état, ce n’est pas lui qui nous a parlé du prix des vins, lui il enchaîne sur « les droits du sol », ce qui fait lever un sourcil circonflexe au journaliste français, baigné dans le débat sur l’identité nationale.
Au fond, Pierre Seillan est un grand amoureux de la plante et de la pédologie. Il a des cépages préférés. Les grands internationaux bordelais, cabernets sauvignon et franc, merlot, petit-verdot, malbec. Il ne calcule pas les pinots et les chardonnays. Grand homme des vignobles d’exception de Jess Jackson, il s’occupe aussi de Lassègue à Saint-Emilion et de la Tenuta d’Arceno en Toscane. Là, on sent qu’il a fallu lui tordre un bras dans le dos pour qu’il consente à faire un 100% san-giovese, il s’exprime davantage sur ses assemblages de super-toscans. C’est aussi cette grosse mauvaise foi, ce chauvinisme débordant qui le rend si sympathique, si émouvant. Question : « Y a-t-il une vie après les 100 points Parker ? ». Réponse : « Eh ! Il y en avait une avant ». Ben oui, bien sûr.
Parmi les dizaines d’hectares qu’il a planté pour Vérité, tout n’est pas encore à maturité, ce sont encore de jeunes vignes au regard de son exigence. Un jour viendra, quelques années encore où Vérité aura ses vignes dédiées. En attendant, Pierre Seillan fait ses vins à concours comme les Champenois font leurs grandes cuvées. Il choisit, on devrait dire qu’il picore, quelques grappes ici, toute une micro-parcelle là. En tout, ce sont 150 sources d’approvisionnement différentes, toutes issues des vignobles Jackson, évidemment. Le très grand avantage des Californiens sur les Français, c’est qu’il n’y a pas de règle, ou presque pas. Un exemple ? Qu’il fasse une canicule effroyable et on irrigue. En France, on prie le ciel. « Je n’irrigue pas, j’humidifie » précise l’homme de l’art. OK, Mister Pierre.

La photo : Pierre Seillan, photographié par Mathieu Garçon dans les vignes de la Sonoma

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