Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 1 avril 2011

Michel Bettane, les primeurs 2010, la suite


La tempête déclenchée par les déclarations de Michel Bettane à l’attention de l’Union des grands crus de Bordeaux, via sa présidente Sylvie Cazes, impose de préciser les choses. J’ai pu interviewer Michel Bettane entre deux dégustations. De nombreux commentaires se sont entrechoqués ici et là, sur tous les grands sites du monde. Beaucoup de critiques aussi, bien sûr, qui appellent des réponses. Les voici.

Bon Vivant : Michel, commençons par les grincheux. On a beaucoup lu que tu étais en quelque sorte « jaloux » du traitement réservé à Suckling, Parker et la RVF. Qui, tous ensemble, parlent de scoop.
Michel Bettane : D’abord, il est très évident que si je voulais m’asseoir dans le salon d’un grand hôtel et faire défiler les propriétaires, chacun avec son échantillon, je pourrais le faire. Si je ne le fais pas, c’est par respect du système en place et par déontologie. Il est stupide de déclarer qu’il s’agit d’une course au scoop. C’est un mensonge de faire croire au consommateur que plus tôt il est informé, plus le conseil est fiable. Le vin, particulièrement à ce stade, est un produit vivant dont l’évolution est permanente, nous l’avons vérifié vingt fois.
B.V. : D’autres disent que cette dénonciation du système vient d’un professionnel qui assiste aux Primeurs depuis toujours.
M.B. : C’est vrai et c’est même plus que ça. Du premier moût à l’ouverture des primeurs, je goûte tous les vins que je veux, quand je veux. C’est, d’ailleurs, mon métier. Et c’est ce qui me permet de mettre en perspective les vins que je goûte à l’aveugle en compagnie de mes collègues du monde entier pendant la Semaine des primeurs, c’est ce qui me permet, ayant pu juger de l’évolution pendant le premier tiers de l’élevage, d’évaluer le potentiel des échantillons présentés. Ou alors, il faut m’expliquer que l’élevage ne sert à rien…
Qu’est-ce qu’on goûte en primeur ? On ne déguste pas un vin, mais un assemblage préparatoire de ce que sera le vin. Un château, c’est quelques dizaines ou centaines de barriques, c’est selon. Les échantillons que nous allons déguster proviennent de deux, trois ou cinq barriques triées sur le volet, le jus va être préparé pour la grand’messe des Primeurs, on évitera le sulfitage autant que possible, on va accélérer ceci, freiner cela. À partir de la matière première, on pourrait faire dix vins différents. L’échantillon présenté, c’est une esquisse qui indique une direction.
B.V. : Tu dis que tu prends plus de temps que d’autres pour déguster…
M.B. : C’est une question d’expérience. Il y en a qui gardent le vin en bouche vingt secondes, réfléchissent 45 secondes à ce qu’ils ont ressenti et consacrent une minute et demie à rédiger leur commentaire et à attribuer une note et, hop, au suivant. Et c’est ça que le consommateur doit croire ? Moi, je goûte les vins entre quatre et six fois chacun, à des moments différents, des jours différents. En amont, j’ai goûté des raisins, et des pépins, fin août, j’assiste aux vendanges, aux vinifications. Je suis dans le vignoble d’un bout de l’année à l’autre. C’est ce qui me permet de décrire un potentiel et de donner des conseils. Mais chacun traite son lecteur comme il veut…
B.V. : Faut-il reculer la date des primeurs ?
M.B. : Ce n’est pas aux commentateurs d’en décider. C’est aux tenants du système bordelais de décider d’arrêter d’être complice d’une entreprise de désinformation, pour ne pas dire de tromperie, dont la victime désignée est le consommateur. Il y a plus de trente ans que le système est en place, il est temps de donner toute sa place au consommateur et cela commence par une information fiable. Cela dit, nous sommes tous prêts à faire les primeurs en novembre, un an après les vinifications, avec des vins qui ressembleront vraiment à ce que l’amateur trouvera dans la bouteille.

Aparté :
À titre personnel (ça veut dire que ça n’engage que moi), je m’étonne d’avoir trouvé la réponse de Sylvie Cazes sur le site du journal anglais Decanter. Vous vous demandiez si les instances du vin à Bordeaux se souciaient encore du marché national ? Vous êtes fixés.
Nicolas de Rouyn

La photo : Thierry Desseauve et Michel Bettane (à droite) pendant la Semaine des primeurs 2009 photographiés par Fabrice Leseigneur

18 commentaires:

  1. Notre chère Sylvie Cazes est dans la tempête depuis un bon moment déjà. Elle a énormément de problèmes à régler et je pense sérieusement qu'elle devrait éviter de perdre son temps à vouloir gesticuler. Elle se noie dans l'indifférence. Peu importe après tout.
    En Bourgogne, le syndicat de Gevrey Chambertin a pris la décision de repousser la dégustation des primeurs de 6 mois, en Novembre.Patrick Maclart a eu le trésorier et excellent vigneron Jérôme galeyrand en ITW ici: http://bourgogne-wineblog.com/de-bourgogne/bravo-gevrey-chambertin-quel-courage/

    En tout cas, Michel Bettane peut se permettre de "râler", et si il y en a bien un qui peut enfin l'ouvrir, c'est bien lui ! Voilà, moi Michel Bettane, c'est RES-PECT !

    ;-)

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  2. Pauvres consommateurs dupés par le système des primeurs à la Bordelaise !
    On se réveille dans le monde du vin ou bien ?
    On ferait mieux de leur expliquer que du très bon vin il y en a partout au lieu de laisser croire qu'une exception existe par là-bas et qu'elle est réservée à une élite !

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  3. C'est appreciable de voir qu'il n'y a aucune animosité dans ses propos. Juste de la lucidité et du bon sens.

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  4. @Lebaron : c'est ce que Bettane & Desseauve fait à longueur d'année avec un guide, deux Grand Tasting et des centaines de pages dans les magazines.

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  5. Sur l'aparté: se peut-il qu'un journaliste de Decanter, devant le remous provoqué dans ses colonnes par les déclarations de Michel Bettane, ait décroché son combiné pour recueillir l'avis de Sylvie Cazes sur cette affaire révoltante, et qu'il en rende compte ?

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  6. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  7. À quand le boycott de ce grand cirque, dans l'intérêt du consommateur?

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  8. L'intérêt du consommateur est d'être informé intelligemment. C'est précisément le boycott qui fait le jeu des mauvais producteurs et des commerçants les moins scrupuleux.

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  9. Nous nous sommes mal exprimés: pourquoi ne pas faire l'impasse sur une 40aine de crus dont la "grandeur" repose principalement sur de la technique œnologique et du boisage intelligent mais maximal? Il y a tant de terroirs autrement plus intéressant en France servis par des vins qui les collent de plus près qu'on peut laisser ces entreprises qui nous méprisent à des Chinois qui ne tarderont pas eux aussi à comprendre. Par ailleurs, vous le savez, il y des dizaines de bordeaux moins bling et au moins aussi buvables.
    "Cours, camarade, le vieux Monde est derrière toi…"

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  10. Bien d'accord. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe dans la vraie vie des vrais gens qui s'informent là où on ne se moque pas d'eux...

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  11. Mais pourquoi se mettre dans des états pareils !
    Une fois pour toutes, considérons les primeurs comme un événement purement financier pour spéculateurs!!! Du business et rien de plus

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  12. C'est un poil réducteur, cher monsieur.

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  13. Je redis sans anonymat ce qu'Anonyme a laissé entendre : n'importe quel bon journaliste fut il chinois ou français aurait pu recueillir la pensée de Sylvie Cazes avant Decanter. Donc, cessons de railler sur les Anglais qui ne jouent pas tous d'ailleurs le jeu des primeurs. Quant à ce que dit Michel, je suis tout à fait d'accord pour souligner qu'une vraie dégustation "en primeur" serait plus utile et justifiée en Novembre... à condition que le négoce accepte de rentrer dans ce système. Autre observation : il y aura toujours des petits malins, journalistes ou pas, qui, histoire d'avoir un scoop, goûteront tel ou tel GCC avant les autres. Enfin, par pitié, pourvu que la folie des primeurs ne gagne pas d'autres régions ! Déjà que les Toscans s'y mettent !

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  14. Dommage, Michel, que vous n'ayez pas essayé de recueillir sa pensée.
    Et goûter un primeur en primeur, ce n'est pas un scoop comme l'a dit James Suckling, mais une bêtise.

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  15. Pour pouvoir donner un avis sur primeurs il faut être un homme du terrain ou au moins celui qui fait du vin en connaissance...des sols et ses exhalaisons...des vignes et ses parfums de feuilles et fleurs...des raisins goûtés tous les stades de maturité...des cuves de fermentations et des goûts de bourrus...des parfums et palpations d'écoulages...des goûts des vins de presses...des premiers vins de cépages avant assemblages...des exercices fréquents d'assemblage...les dégustations hebdomadaires de ses vins suivant chaque intervention d'élevages...et avoir écrit chacune de toutes ses impressions présentes et du devenir supposé...et le tout sur 5 à 10 ans avec formations scientifiques parallèles ! Qui donc...seul un vigneron expérimenté peut donner un avis sur des primeurs ou celui qui vit et partage leur vie...voilà mon avis de fils de vigneron formé au chai et à la vigne...et à l'ISVV

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  16. Pour pouvoir donner un avis sur primeurs il faut être un homme du terrain ou au moins celui qui fait du vin en connaissance...des sols et ses exhalaisons...des vignes et ses parfums de feuilles et fleurs...des raisins goûtés tous les stades de maturité...des cuves de fermentations et des goûts de bourrus...des parfums et palpations d'écoulages...des goûts des vins de presses...des premiers vins de cépages avant assemblages...des exercices fréquents d'assemblage...les dégustations hebdomadaires de ses vins suivant chaque intervention d'élevages...et avoir écrit chacune de toutes ses impressions présentes et du devenir supposé...et le tout sur 5 à 10 ans avec formations scientifiques parallèles ! Qui donc...seul un vigneron expérimenté peut donner un avis sur des primeurs ou celui qui vit et partage leur vie...voilà mon avis de fils de vigneron formé au chai et à la vigne...et à l'ISVV

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    1. Jean-Pierre, à vous lire on comprends que vous disqualifiez Michel Bettane au motif qu'il n'est pas vigneron.
      Pourtant votre description correspond point par point à son quotidien. La vraie différence avec un vigneron, c'est qu'il fait ça sur quantité de vignobles ici et là, ce qui lui donne une expérience immense.

      Pour le reste, quiconque est en âge de boite du vin et d'en ressentir quelque chose est legitime à donner un avis.

      Si les seuls vignerons donnaient leur avis, on s'ennuierait beaucoup.

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