Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 11 février 2013

La typicité, pour quoi faire ?




L’un des sports préférés des Français est la chasse à l’excellence. Pas pour la débusquer, l’intégrer, la fêter, mais pour s’en débarrasser au plus vite. Sans chercher mille exemples faciles dans la société civile, la politique, les médias, concentrons-nous sur ce qui nous occupe. Le vin.

Virer les bons est une occupation qu’on croirait à plein temps pour les dirigeants des AOC. Il y a longtemps, on expliquait à Éloi Dürrbach (Trévallon) qu’il fallait qu’il change son encépagement pour continuer à bénéficier de l’appellation. Il a refusé et produit, depuis, l’un des vins de table les meilleurs et les plus chers. Si je mentionne cette notion d’argent, c’est pour montrer que le fait d’arborer une AOC n’est (plus ?) une garantie de revenu. D’autres hérétiques ont été poursuivis sans relâche. Une fois, c’est Marcel Richaud, le meilleur producteur de Cairanne, viré pour « manque de typicité ». Une autre fois, c’est le Domaine de Souch à Jurançon. On connaît l’exemple de Michel Rolland, viré pour avoir étendu sur ses vignes des bâches contre la pluie. L’an dernier, Guillaume Tari à Bandol était cloué au pilori. Manque de typicité, lui aussi. Ces jours-ci, c’est Jérôme Bressy, vigneron au Domaine Gourt de Mautens, qu’on prive de son appellation. Lui, il est simplement le meilleur de Rasteau.

Les exemples abondent. Qu’on perce le plafond trop bas pour s’élever vers les étoiles et la meute des jaloux vous excommunie. On le voit, ce ne sont jamais les mauvais d’une appellation qui sont collés au mur. Jamais. Les mauvais, eux, bénéficient d’un agrément dit « social », comprendre qu’en donnant l’agrément à une pauvre production, on évite les faillites, on sauve les familles de la misère. Mais on ne sauve pas le consommateur et on ne sert ni l’AOC, ni surtout l’idée de l’appellation d’origine contrôlée. Si l’origine peut offrir demain plus de génie, de trouvailles délicieuses, de chances économiques, l’origine a un avenir. Mais une fois le génie, les idées et la chance congédiés, l’AOC reste triste et terne, bête et butée. L’AOC a perdu.

On rêve d’un monde où les tenants des AOC s’intéressent à l’innovation, à l’assemblage inattendu qui fait un vin si bon, au cépage emblématique d’une région et retrouvé par un vigneron curieux, ce beau travail qui ferait avancer les vignobles, les appellations, les amateurs, l’Histoire. Ce concept stupide de typicité est typique surtout de la sclérose d’institutions arque-boutées contre les nécessaires évolutions sans lesquelles « nos appellations périront de médiocrité et de conformisme », comme l’a rappelé récemment Michel Bettane.
Pourquoi vouer un culte aux règlements, aux statuts ? Pourquoi ne pas les changer quand ils s’avèrent un obstacle à l’excellence ? Pour protéger qui et/ou quoi ? Il y a quelque chose de soviétique dans cet acharnement borné.


La photo : est signée Rodney Smith, je l'ai chinée sur l'excellent site TumblR du blog A girl called Georges. Very special Thanks à Sylvie Terrier.

En lire plus sur Jérôme Bressy et son domaine Gourt de Mautens, ici
En lire plus sur Marcel Richaud à Cairanne, ici
En lire plus sur Guillaume Tari et son domaine de La Bégude à Bandol, ici


26 commentaires:

  1. ne m'en parle meme pas, je suis chaque annee en bataille avec mon AOC, ou je dois perdre du temps a expliquer mes vins que certains degustateurs ne comprennent pas et me refuse l'agrementation !
    pourtant il es drole de voir des amateurs ou des grand professionnels respectés, apprecier ce meme vin sans y voir aucun probleme oenologique.
    welcome to the club .

    Fredi

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    1. C'est le problème des commissions d'agrément, on se demande souvent quelles sortes de dégustateurs les composent…

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  2. C'est évident, comme effectivement beaucoup de choses en France, qu'on aime pratiquer avec constance les nivellements vers le bas.
    Et bien sûr, comme tu le pointes du doigt, on rendra "noble" la chose en évoquant la fameuse "paix sociale" qui justifie tellement de postes de fonctionnaires pas franchement nécessaires à la bonne marche de l'Etat.
    Maintenant, c'est un peu à nous, les amateurs, d'utiliser le net pour faire remonter en haut notre juste courroux contre ces stupidités qu'heureusement le marché ne prend pas en compte.
    Il y a eu, quand même, autant que je me souvienne, des cas délicats : Ostertag et Deiss me semblent les noms à évoquer dans ce cas, mais on aura besoin ici de personnes connaissant ces affaires de "typicité".
    Qui est responsable in fine des agréments ? l'INAO à Paris ou les représentations locales ?
    En tout état de cause, un sujet grave qui mérite d'agir en force et avec intelligence. Bref, avec arguments qui tiennent la route.
    Merci d'avoir aborder ce sujet délicat avec ta plume au mieux de sa forme :-)

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    1. Je crois que les responsables des ODG sont ceux qui délivrent les agréments. Je n'en suis pas sûr.

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  3. Monsieur, Camarade,
    Si j'en crois votre saillie finale, les bornes sont en effet des limites incontournables que nous avons toujours le goût, souvent très mauvais, de dépasser avec le panache que l'on se croit avoir mais qui nous ramènent invariablement dans les limites de nos manquements, de nous oublis, de notre typicité à nous autres êtres doués de raison mais pas que (où l'arque... devient une stupide coquille qui nous boute loin de l'excellence).
    Tally-ho and toodaloo

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  4. ...pourquoi faire ?
    Voilà une question

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    1. Pour le rire, ses intentions, ses buts ... rien d'autre en vue et ça fait peur (dans la mesure du domaine qui nous occupe)
      http://www.amazon.fr/rire-pour-quoi-faire-expressions/dp/272986055X

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  5. On peut effectivement critiquer certaines commissions d'agrement. On peut tout aussi bien critiquer ceux qui ont fait le dernier classement grand cru St-Emilion. On peut egalement critiquer les gouts de certains degustateurs professionnels...
    Etc... etc...

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    1. Ce n'est pas la même chose, mais il est un peu trop tôt, ce matin, pour vous expliquer la vie.

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    2. Réponse sans prétention aucune, hein ?! En tous cas vous avez raison, c'est la faute aux soviétiques voire aux socialo communistes.

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    3. Aucune prétention, mais que voulez-vous ? Vous amalgamez des choses de nature très différentes et c'est juste d'un profond ennui que de répondre à ça. On n'est pas tous les jours au sommet de la pédagogie.

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  6. C'est Typique : 20/02/2006

    http://www.berthomeau.com/article-c-est-typique-1930747.html

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    1. Ah, te voilà toi. Tu viens faire de la pub pour ton blog avec un lien qui ne marche pas.
      Voilà ce qu'on peut lire :
      Erreur 404 : La page demandée n'existe pas.
      Comme geek, tu te poses là.

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  7. Qui est responsable in fine des agréments ? l'INAO à Paris ou les représentations locales ?
    Pour répondre à l'interrogation de FM : les ODG organismes où tous les vignerons doivent adhérer et cotiser alors qu’auparavant l'adhésion au syndicat d'AOC était libre sont les seuls responsables de l'agrément. L'INAO n'est là que pour veiller au respect des règles de l'agrément édictées par l'ODG. Contrairement à ce qu'avance FM la puissance publique s'est désengagée avec la dernière réforme de l'INAO en externalisant les contrôles institués par les cahiers des charges élaborés et votés par les professionnels.
    Donc ce sont les professionnels qui sont, comme dans l'affaire de l'AOC Puy Notre Dame responsable de l'exclusion de certains vins, l'INAO joue les Ponce-Pilate en s'appuyant sur leur responsabilité...

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    1. Merci, Jacques, de ces précisions qui corroborent ce que nous supputions

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  8. Merci de ces précisions et mises à jour d'infos.

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  9. Et oui ! ...mais que voulez vous les franchouillards sont "normaux", et c'est pourquoi ils ont élu un président "normal"...et ils aiment tirer la France vers le bas, et non pas vers les étoiles...ils peuvent ainsi faire passer leur médiocrité et/ou leur fainéantise dans la "masse normale" ...

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    1. Je ne suis pas loin d'avoir ce genre de point de vue…

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    2. cher anonyme,
      Vous amalgamez des choses de nature très différentes et c'est juste d'un profond ennui que de répondre à ça. On n'est pas tous les jours au sommet de la pédagogie.
      Et toc! il ne l' a pas volé, hein, celle-là Nicolas ?

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  10. Olivier:
    Le style est toujours aussi brillant mais un petit peu de paresse intellectuelle si je peux me permettre :o)
    En effet, il y a des montagnes de bouquins traitant des génies non reconnus par les académies(Berlioz,Rodin par exemple) dont la conclusion se résume souvent a: un process académique sélectionne les personnes excellentes pas les génies. La seule école pouvant se targuer de détecter les génies c'est l'école normale...
    En faisant une correspondance avec le monde du vins, il apparait relativement naturelle que l'AOC ne détecte pas les inventeurs non par médiocrité mais parce qu'il faut rentrer dans le moule(comme par hasard les vignerons retoqués sont souvent de grandes gueules...).
    Par contre, la ou pour moi l'AOC ne fait pas son job c'est en effet en ne virant pas les vignerons ne travaillant pas correctement et qui représente une ligne de l'article. Je sais, d'un seul coup c'est plus glamour du tout, mais le job d'une AOC c'est glamour? Le débat n'est pas récent et le coup de gueule de Guy Renvoisé Le monde du vin a-t-il perdu la raison? sur ce point est toujours d'actualité.
    C'est l'hiver, y fait froid et gris c'est pas la peine d'en rajouter dans la morosité non?

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    1. Excellents ? Génies ? Un vigneron qui travaille très bien est-il génial ou excellent ? Ça ne tient pas votre affaire, je trouve.

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  11. Olivier:
    Très académique comme réponse, non?
    Jean-Louis Chave est un vignificateur de génie, Marc Sorrel un excellent vignificateur et tous les vignerons de l'Hermitage sont de bons vignerons!!! Epatante colline de l'Hermitage et je ne peux que recommander l'etude d'un des TAST sur ce terroir :o)

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    1. Je vous laisse la responsabilité de votre cotation.
      En revanche, oui, excellente monographie sur la colline de l'Hermitage, parue dans TAST et réalisée par Guillaume Puzo, dégustateur émérite et membre de la dream team Bettane+Desseauve

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  12. Olivier:
    En relisant mon commentaire, je m'aperçois qu'il peut être mal interprété: Je ne voulais pas dire qu'il n'y avait qu'un excellent vignificateur Marc Sorrel, en effet il y en a beaucoup d'autres sur la colline!!! Pour les vignificateurs de génie, le temps nous dira s'il y en a d'autres(les vins de Chapoutier m'ont toujours laissé de marbre je ne sais pas vraiment pourquoi peut-être dégusté trop jeune?) :o)

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    1. Moi, je n'en ai pas bu assez ni assez souvent pour avoir un avis argumenté. Ce qui n'est pas le cas des la-chapelle de Jaboulet que j'ai goûté souvent et beaucoup dans les plus beaux et les plus anciens millésimes (52, 61, 78, etc.)

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