Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 26 février 2015

Les caves se rebiffent (si, c'est nouveau)



Les instances professionnelles de la Filière Vin ne sont pas connues pour la virulence avec laquelle elles interpellent les pouvoirs publics. Lesquels se sont habitués à ne pas s’en mêler du tout, l’abandonnant à ses prédateurs d’élection, les prohibitionnistes très habitués à manipuler les lois en place. 
C’est fini, les politesses de salon, les anaphores en boomerang volent bas.
Bernard Farges, président du CIVB* et de la CNAOC**, prend le micro et balance à fond. C’est l’ANPAA*** qui morfle.
J’ai trouvé ça sur le site LePoint.fr, mis en ligne par Jacques Dupont et c’est très bien.

 Extraits du discours prononcé par Bernard Farges devant l'Association nationale des élus de la vigne et du vin :

 « Nous pouvons entendre ici et là : la filière viticole devrait s'occuper d'autres sujets que la loi Evin ou le projet de loi de santé. Oui, bien sûr, nous avons d'autres sujets : la commercialisation, le changement climatique, l'environnement, la qualité, la formation, l'installation des jeunes, la recherche et le développement, la protection des noms de nos AOC et IGP à l'international. Nous y travaillons là aussi. [...]
Dans quelques jours lors du Salon de l'agriculture, nous allons accueillir beaucoup d'élus ou candidats sur le stand de la filière viticole, tous avec tellement d'empathie, tellement d'écoute attentive...
Mais où est la cohérence gouvernementale quand les ministères de la Santé successifs se transforment en débitants de mesures anti-vin ?
Mais où est la cohérence quand le vin est proclamé patrimoine culturel il y a quelques mois mais que nous prenons un risque juridique à chaque fois que nos voulons en faire la publicité ?
Mais où est la cohérence quand nos régions nous demandent de développer les routes des vins avec des applications en ligne et des fonds publics mais que nous ne pourrions plus en faire la promotion demain ?
Mais où est la cohérence quand nous faisons la promotion de nos vins à l'étranger mais que l'on estime en France que le premier verre est dangereux ?
Les 500 000 emplois directs, les 800 000 hectares, les 11 milliards d'euros d'excédent commercial, nos vins, tous nos vins, tous représentés ici, par les vignerons, les négociants, les organisations de la filière, ce sont une des fiertés de notre pays ! J'enfonce une porte ouverte ? Eh bien, oui ! Parce que si nous ne le disons pas, peu de personnes le diront ! [...]
Nous luttons à chaque mandature contre des attaques injustes et destructrices de valeur ! Mesdames et Messieurs les Parlementaires, une seule question vous est posée par les 500 000 hommes et femmes qui font le vin en France : QUELLE VISION DU VIN VOULEZ-VOUS POUR VOTRE PAYS ? [...] Celle défendue par l'ANPAA, avec ses 75 millions d'euros de fonds publics, ses procès permanents et ses amendements remis en main propre au rapporteur de la loi ? Vous aurez peut-être lu avec intérêt le récent entretien de M. Rigaud, président de l'ANPAA, dans lequel il propose, en somme, de limiter la communication pour le vin sur Internet au même titre que les sites pédophiles ou nazis... Oui, voilà à quoi l'ANPAA associe notre communication sur Internet. C'est une honte.
C'est une honte et c'est récurrent. Le directeur de l'ANPAA l'avait déclaré avant lui dans le Wine Spectator et M. Rigaud nous a dit les yeux dans les yeux : "En 1943, les vins français étaient réquisitionnés pour l'armée allemande. C'était une grande année pour la lutte antialcoolique en France."
Maintenant, ça suffit.
Dans les amendements proposés par l'ANPAA, il est proposé :
- de restreindre la communication sur Internet,
- de supprimer la référence à la notion d'abus dans le message sanitaire et de mettre donc en garde contre toute consommation d'alcool,
- d'interdire les noms de domaine, cuvées, marques qui seraient considérés incitatifs.
Ou encore des propositions aujourd'hui au stade de notes internes :
- de limiter la publicité à la radio de 22 heures à 6 heures du matin,
- de consacrer 20 % de l'espace de tous nos visuels aux messages sanitaires, d'interdire les fêtes viticoles.
En bref, des énormités forcément inacceptables qui ne régleront en rien les vrais problèmes.
Mais enfin... la ficelle est grosse.
On nous promet du très douloureux pour mieux nous faire accepter le moins douloureux, l'effet cliquet. Nous reculons, et notre pays avec. Alors, nous refusons le moindre recul et nous allons nous battre comme jamais. Nous battre, oui. Nous battre. Mais nous battre aussi pour faire des propositions. [...]
Il y a quelques mois, nous disions haut et fort : "Revenez M. Evin, votre loi on y comprend plus rien." Était-ce vraiment de l'humour ? Cette loi existe, elle doit évoluer pour répondre à ce pour quoi elle a été créée.
A-t-elle atteint son objectif initial de lutte contre les excès ? NON
L'alcoolisme a-t-il baissé en France depuis 1991 ? NON
L'alcoolisme a-t-il baissé chez les jeunes ? NON
La loi est-elle comprise ? NON
Les repères de consommation sont-ils connus des Français ? NON
La consommation de vin a-t-elle baissé ? OUI
Il faut clarifier cette loi.
Aujourd'hui, il est écrit que toute évocation du vin peut être considérée comme de la publicité. Comment communiquer sereinement dans un tel flou juridique ? Comment laisser les journalistes à la merci de la justice dès qu'ils rédigent un article sur le vin ? Trois titres de presse ont été condamnés pour de simples articles sur le vin. Comment accepter cela dans le pays, qui vient de nous rappeler encore récemment qu'il était un haut lieu de la liberté d'expression ? Comment acceptez cela dans la patrie du vin. [...]
Monsieur le président de la République,
Osez nous laisser travailler.
Osez ne plus laisser des hygiénistes aux propos honteux pour notre République peser sur le ministère de la Santé.
Osez tourner le dos à une politique d'interdits et de prohibition.
Osez nous laisser bâtir des campagnes avec vous, comme l'Espagne vient de le faire. Qui sait boire sait vivre. Voilà ce que dit l'Espagne, notre premier concurrent. Responsabiliser et informer, voilà ce que nous voulons.
Osons une politique de consommation responsable.
Monsieur le président, osez nous faire confiance. »

Ce discours de Bernard Farges est retweeté à partir de l’excellent site Le Point.fr tel qu’ils l’ont publié. C’est à peine épousseté par rapport à l’original que vous pouvez lire ici: clic. 


* Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux
** Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlées.
***Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.

dimanche 22 février 2015

Marco Pelletier et son vin de jardin




Un sommelier n’a pas le choix. Il est bon ou il est nul et ce n’est pas un sommelier. Tout juste un employé en charge du service du vin. J’ai déjà raconté sur ce blog quelques mésaventures vécues dans des restaurants de haut niveau avec de braves types qui n’avaient rien compris à ce qui fait leur métier et, déjà, sa beauté.
D’où j’ai conclu que de bons sommeliers, il y en avait très peu. On les connaît. En voici un.
Il s’appelle Marco Pelletier, il est chef-sommelier de luxe dans un hôtel de la même eau, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris. Il est Canadien, il a 40 ans. Travailler dans un petit bistro français, c’est un rêve canadien. Pour notre jeune diplômé en génie civil, le cliché a très bien résisté à la réalité, sous la forme d’un petit bistrot, donc, à Épernay. Et là, une bouteille de champagne Jacquesson et hop, c’est la révélation. Il retourne aussi sec au Canada pour passer les diplômes correspondants à sa vocation nouvelle et cela fait, retour à Paris. Il a un job dans la chaîne Relais & Châteaux, passe trois ans chez Michel Rostang et cinq chez Taillevent qu’il quitte à la mort de Jean-Claude Vrinat.
Nous le retrouvons au Bristol, grand palace mythique. Là, il gère quatre restaurants dont un trois-étoiles et neuf sommeliers (« des vrais »). Sans trop de surprise, on apprend que la clientèle est étrangère à 90 % et boit de grands vins français à concurrence d’une grosse trentaine de milliers de bouteilles par an. Il a un stock d’environ 90 000 bouteilles, il veut « faire tourner le Bristol autour du vin ». Lui-même tourne autour du vin. Son patron, Didier Le Calvez, ne fait pas autre chose. Dans le secret de leurs loisirs, les deux passionnés s’adonnent à la viticulture et produisent du vin.
Le château de Le Calvez s’appelle Clarisse et le lopin de Marco Pelletier est fièrement nommé Domaine de Galouchey. Il s’agit de trois hectares à Beychac-et-Cailleau, dans l’Entre-Deux-Mers, son rouge est donc un bordeaux supérieur. Chacun sait qu’ici et là de grands vins sont produits dans cette région sans réputation, mais ravissante. Il a commencé à faire du vin en 2006 avec deux associés, 75 ans chacun, deux retraités en pleine forme qui s’occupent de tout quand il est au travail. Première vinification en 2007, mais il attendra le millésime 2010 pour lancer son vin dans ce qu’il appelle « la belle 
restauration ». De ce domaine de trois hectares, 0,94 ha est en production. Quelques centaines de bouteilles, c'est à peine si on ose en goûter une. Sur cette toute petite surface, il a quand même planté neuf cépages différents, cinq rouges et quatre blancs. Au début et jusqu’en 2011, il achetait à Catherine Péré-Vergé des barriques d’un vin (un an) ayant contenu château-la-violette et château-le-gay. Aujourd’hui, ces barriques viennent de chez Louis-Michel Liger-Belair à Vosne-Romanée et de chez Madame Kwok, La Tour-Saint-Christophe à Saint-Émilion.
J’ai goûté ce galouchey 2011. C’est pétant de santé, tonique, ciselé, soyeux. Très beau. Le secret de ce vin qu’il appelle « mon vin de jardin », réside dans l’ajout de 1 à 2 % de sauvignon gris (cépage blanc) « pour la fraîcheur ». Est-ce franchement décisif ? Sûrement. En tous cas, la bouche est précise et délicate, ce vin de jardin est une dentelle.
Volubile et sympa, Marco Pelletier fait partie des pointures de ce métier et son savoir-faire ne se limite pas aux strictes obligations inhérentes à son exercice. C’est aussi un grand dégustateur et un très savant connaisseur du vignoble. Un sommelier, quoi.



Sur les sommeliers impossibles, lire aussi ici et

La photo : re-blogged du site québecois du Huffington Post. Merci, les gars. 

mercredi 18 février 2015

Le château du Moulin-à-Vent, un jour sans vent




Des brouillards d’élévation plombent un ciel qui, autrement, nous donnerait le Mont-Blanc en gardien d’un décor somptueux, celui des villages et des vignes qui produisent le moulin-à-vent et le fleurie. C’est bien dommage et le manque de vent n’arrangera pas la journée. Nous montons et descendons les pentes des parcelles. Sans être un fin géologue, on comprend bien ce qui fait le grand terroir, ces coteaux, ces plateaux portent à l’évidence la marque sacrée. Ici, tout est en place pour faire de beaux vins. Ce à quoi s’appliquent nos guides, les Parinet père et fils, présents à Moulin-à-Vent depuis le millésime 2009. Avec les conseils de l’excellent Bernard Hervet, Jean-Jacques Parinet a peu à peu constitué un beau domaine de 52 hectares. Il a deux étiquettes. La première, Château du Moulin-à-Vent, propose une cuvée château et trois cuvées parcellaires choisies pour le caractère inhabituel des vins. Elles s’appellent Champ-de-Cour, Croix-des-Vérillats et La-Rochelle. La seconde, Domaine de la Tour-du-Bief, est plus dirigée vers des volumes et des circuits de distribution différents. Pour autant, ce n’est pas une marque « moins », c’est simplement une expression différente des terroirs de la maison. À la différence de nombre de ses voisins, Jean-Jacques Parinet n’a pas (pas encore ?) mis le pied dans le négoce et il s’attache à promouvoir l’appellation dont sa propriété porte le nom, un ouvreur en quelque sorte. Il cherche aussi à produire le mieux possible des vins qui chantent la légende des terroirs d’exception de ces collines bénies de dieux. Pour ce faire, il a engagé Brice Laffond, jeune œnologue passionné, un enfant de la vigne dont les parents ont un domaine viticole dans le Sud. Lui, il a annexé un grand carré de vignes devant le château pour mener des expériences culturales. Il a des idées et l’ambition nécessaire à leur réalisation. Il a aussi, c’est plus pratique, toute la confiance des Parinet.



Nous avons goûté toutes sortes de choses. D’abord un comtes-de-champagne 1988, un grand blanc-de-blancs à son apogée, splendide dans sa complexité, son intensité. Puis un grandiose corton-charlemagne 2010 de chez Faiveley. Puis un château-du-moulin-à-vent 1979, étonnant de fraîcheur et, mieux, de santé. Le gamay, quand il est de noble origine, a toutes ses chances pour longtemps. Je me suis extasié sur une étiquette de 1937 très drôle, de ces étiquettes qui disent tout et le contraire de tout, mais qui nous a rappelé qu’il fût un temps où le Beaujolais faisait bien partie de la Grande Bourgogne. Avant que les tenants du Beaujolais décident qu’ils pouvaient se passer du mot « Bourgogne ». Visionnaires, les responsables. Et pour finir, nous avons plongé dans un gewurtztraminer 2007 vendange tardive, récolté en vin de glace par Seppi Landmann. Une belle chose à 11° d’alcool seulement, en magnum, qui nous a poussé avec infiniment de délicatesse jusqu’à une nuit parfaite.  

Le lendemain, visite chez une nouvelle voisine des Parinet, Alexandra de Vazeilles au château des Bachelards à Fleurie. J’avais visité cet endroit dans une vie d’avant et en compagnie de mon cher ami Guy Jacquemont, l’expert foncier agricole du Beaujolais, un érudit des terroirs. Ce petit domaine de huit hectares (jusqu’ici) a connu des années compliquées, mais le précédent propriétaire l’a quand même converti en bio. Alexandra de Vazeilles pousse maintenant un peu plus loin, le domaine est désormais mené en biodynamie. Premier millésime 2014, nous attendons la première dégustation avec impatience. D’ici là, voici déjà la nouvelle étiquette du « Château des Bachelards – Comtesse de Vazeilles, fleurie 2014 ». Histoire d’éviter toute confusion.




mercredi 11 février 2015

La vraie raison de l’affaire Robuchon

Une série consacrée à l'univers des cuisines est lancée sur France 2 ce soir avec l’acteur Clovis Cornillac dans le rôle du chef passablement violent. Tiens, tiens.

Et c'est France Télévisions qui a sorti « l'affaire Robuchon ». Ça alors.

Le timing est très au point, bravo les gars, c’est du beau boulot. Pour les dommages collatéraux, on s’en fout, hein, il faut la lancer la série pourrie.
Séchez vos larmes, amis émus. Ce n’est ni une « affaire », ni un « scandale », c’est une campagne de pub.
L’idée est de faire son beurre avec un navet et tant pis pour la vraie vie des vrais gens.

C’est possible de porter plainte pour foutage de gueule caractérisé ?




lundi 9 février 2015

Avis de coup de vent sur l'ami Robuchon

Et voilà notre cher Joël Robuchon pris dans une mini-tourmente dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elle a été savamment montée en mayonnaise.
De quoi s’agit-il ?
Au bout de deux jours de travail, un employé de cuisine de La Grande Maison à Bordeaux (voir ici) claque la porte et se répand en témoignages sur les mauvais traitements dont il aurait été la victime. Intéressant de constater qu’il se trouve aussitôt un journaliste pour s’emparer du sujet et du buzz qui l’accompagne. Buzz jusqu’ici assez court, s’agissant de petits sites spécialisés dans la gastronomie et avides de scandales, histoire de booster les stats. Mais buzz quand même, puisqu’un sujet sans buzz (prononcer bezz) est un sujet mort.

Joël Robuchon et notre ami Daniel Benharros


Au début de l’affaire, c’est Tomonori Danzaki, le chef japonais de La Grande Maison qui était mis en cause, Joël Robuchon n’étant pas là en personne (il a seulement assuré le lancement du restaurant et la mise en place des équipes et de la carte). Maintenant, son équipe est présentée comme une sorte d’épouvantable Garde noire alors qu’il ne s’agit que des collaborateurs les plus proches de Joël Robuchon, chargés par lui et sur la foi de la confiance qu’il leur fait, de gérer les établissements ouverts ici et là. De les gérer en son nom, c’est-à-dire en conformité avec les objectifs fixés par lui, à savoir l’excellence sanctionnée par les macarons Michelin et la rentabilité puisque personne ne travaille pour des prunes. Rien que de très classique. Je connais cette garde rapprochée, ce sont des types sympas, chaleureux, bosseurs oui, pas des affreux.

L’univers cuisinier n’est pas, n’a jamais été, un rassemblement de grands psychologues ou l’antichambre d’une école de maintien. Il a ses règles, tacites ou pas, difficiles sûrement, mais difficiles surtout à accepter par le reste du monde, englué qu’il est dans l’émotion quand elle prend le pas sur la raison. En cuisine, c’est comme ça. Ce métier éreintant se fait dans le dur et il recrute parmi une population de gens dont très peu sont de vrais passionnés au moment où ils commencent. Il s’agit plus souvent de jeunes gens, de jeunes filles parfois, dotés d’un bagage éducatif minimum et sans grand horizon professionnel. Il y a toujours de la place dans les cuisines des restaurants français parce que le métier est rude, mais les postes dans les grandes brigades sont rares et chers. Les chefs eux-mêmes sont issus des mêmes mondes et reproduisent ce qu’ils ont connu sans plus de questions. De toute façon, ils n’ont pas le temps, personne n’a le temps de faire du management dans une cuisine, aussi grande soit-elle. Le pourraient-ils seulement ?

Ce monde du travail, parfois déconnant, existe et pas seulement dans les cuisines, étoilées ou pas. Je me souviens d’un temps pas si éloigné où le patron d’une entreprise de communication, le nez dans la coke et raide comme un piquet, appelait ses créatifs préférés entre deux et trois heures du matin pour expliquer à chacun les super-idées qu’il avait et qui l’empêchaient visiblement de dormir et il fallait supporter le coup de fil baveux jusqu’à ce que l’autre s’endorme ou suive un autre papillon. Aucun ne trouvait ça drôle ou sympa, personne ne se plaignait et d’ailleurs qui, à l’époque, nous aurait tendu un micro pour recueillir nos états d’âme ? De toute façon, nous ne dormions pas non plus.

Seulement voilà, ce XXIe siècle est pleurnicheur et un établissement de luxe est une proie facile. Tout est réuni pour une belle séance de lapidation en direct live. Se payer à la fois Robuchon et Magrez, ça fait rêver plus d’un feignant.

La façade de La Grande Maison, à Bordeaux

mercredi 4 février 2015

Mouton en chef de la meute



C’était Lafite, c’est Mouton.
Celui-ci, après l’autre, prend les commandes de la locomotive bordelaise à l’assaut de l’Empire du milliard. Par le biais d’une vente aux enchères dédiée à Mouton-Rothschild, Sotheby’s a prouvé de façon éclatante que le bordeaux, quand il est grand, conserve toutes ses chances dans le cœur des grands amateurs chinois.
En s’appuyant sur l’Année du Bélier (sorte de gros mouton à cornes assez énervé), les spécialistes de la maison de vente anglaise ont fait un gros carton qui a dépassé de beaucoup les estimations les plus avantageuses. Même la bouteille la moins chère, un (petit) millésime 1977, a fait plus de trois fois l’estimation à plus de 900 euros la bouteille.
C’est une bonne nouvelle pour tout le monde.
On a beaucoup prétendu que les Chinois, enfin décillés, ne voulaient plus de bordeaux dans leurs caves. Surfant sur quelques revers de grands bordeaux dans les ventes en Chine, chacun y allait de son commentaire. À entendre les oiseaux de malheur, Bordeaux et ses grands vins touchaient le fond (de la piscine du château, pas plus). Comprendre que, à leurs yeux brumeux, c’était juste normal.
Tu parles.
Bravo à tous ces grands amateurs de Hong Kong et d’ailleurs d’avoir remis l’église au milieu du village et d’avoir renvoyé les bilieux à leurs aigreurs. C’est marrant, cette propension de la réalité à piétiner les rêves les plus tordus des visionnaires les moins doués.

Quelques exemples de prix :
- Une verticale des millésimes de 1945 à 2012 : 270 000 euros
- Un lot de trois bouteilles de 1961 : 17 000 euros (mais six 1982 au même prix)
- Un magnum de 1945 : 80 000 euros (mais deux bouteilles du même : 67 000 euros seulement)
- Une bouteille de 1870 : 36 000 euros

On le voit, Mouton a trouvé sa place, au premier rang des grands vins du monde avec quelques confrères, mais pas tellement. Plus de 260 lots, exclusivement des moutons, ont été dispersés sous le marteau du commissaire-priseur, ce 30 janvier à Hong Kong.


La photo : fresque inédite de Miquel Barcelo pour l'étiquette de château-mouton-rothschild 2012 (détail).

lundi 2 février 2015

Melanosporum 2015 et rouges 2001

La saison des truffes est à son apogée, c’est maintenant ou jamais. Maintenant, donc. Achetées à un prix décent au marché des Abbesses à Paris, voilà deux belles grosses melanos comme on les aime. Pour leur réserver le meilleur sort, j’ai sorti des 2001. Un pomerol, un volnay, un provence.


 
Le pomerol vient du château La-Pointe, acquis il y a quelques années par l'assureur Generali et géré avec rigueur par notre cher Éric Monneret qui fait progresser le cru à chaque millésime. Donc, ce 01 vient d’avant, quand les vinifs de la famille d'Arfeuille étaient réputées hasardeuses. Il faut croire que l’excellent millésime 2001 a fait le boulot tout seul, le vin est à son mieux et déroule sa pomerolitude avec beaucoup de conviction. Une pointe truffée au nez dénonce le bon accord.
Avec une brouillade d’œufs.


 
Le volnay « Tête de Cuvée » vient de chez mon ami François d’Allaines, le wonderboy du négoce beaunois dont ses pairs disent le plus grand bien. Même Michel Bettane y va de son compliment : « il vinifie avec autant de soin les petites appellations que les grandes. » Mazette. Là, pas de nez de truffe, mais un vin de bonne constitution, en pleine forme, un jus clair comme on les aime s’agissant de jolis bourgognes avec une bouche splendide. Si vous voulez les vins de François d’Allaines, c’est le moment. Sa Vente Privée vaut qu’on s’y penche, ce n’est pas (et de loin) le plus cher des Bourguignons. Si vous me laissez une adresse mail en commentaire de ce post, je vous envoie le pdf de la vente.
Avec une pasta aux œufs, beurre salé.


 
Le Clos Victoire du château Calissanne était là où je l’attendais, il n’a pas déçu ma déjà longue histoire avec les rouges de Provence. J’adore ces assemblages cabernet-sauvignon et syrah. Celui-là est très long, la puissance est apaisée, le fruit est là, plus noir que rouge. J’ai toujours du mal à décider si je préfère le Clos Victoire ou le Rocher Rouge, l’autre cuvée parcellaire de la maison, particulièrement spectaculaire. Les deux sont bien. On ne peut pas siffler éternellement du trévallon.
Les truffes en sandwich de brioche toastée avec une très fine pellicule de lard de Colonnata, parfait exhausteur de goût pour la truffe noire.